Perspectives de l’économie mondiale

Mise à jour des perspectives de l'économie mondiale : juillet 2019

juillet 2019

Une croissance mondiale encore languissante

  • La croissance mondiale reste languissante. Depuis l’édition d’avril dernier des Perspectives de l’économie mondiale (PEM), les États-Unis ont encore relevé leurs droits de douane sur certaines importations chinoises, et la Chine a riposté en augmentant les siens sur une série d’importations américaines. Une nouvelle escalade a été évitée à la suite du sommet du G-20 en juin dernier. Les chaînes mondiales d’approvisionnement en technologies ont été menacées par la perspective de sanctions américaines, l’incertitude liée au Brexit a persisté et la montée des tensions géopolitiques a orienté à la hausse les prix de l’énergie.
  • Dans ce contexte, il est prévu que la croissance mondiale atteindra 3,2 % en 2019, puis accélérera à 3,5 % en 2020 (0,1 point de pourcentage de moins que les projections des PEM d’avril pour les deux années). Les chiffres du PIB qui ont été publiés jusqu’à présent cette année, conjugués au fléchissement général de l’inflation, laissent entrevoir une activité mondiale inférieure aux prévisions. L’investissement et la demande de biens de consommation durables sont modérés dans l’ensemble des pays avancés et des pays émergents, les entreprises et les ménages continuant de freiner leurs dépenses à long terme. En conséquence, le commerce mondial, qui est à forte intensité de machines et de biens de consommation durables, reste languissant. Le rebond de la croissance qui est attendu en 2020 est précaire : il repose sur une stabilisation dans les pays émergents et les pays en développement aujourd’hui en difficulté et sur des progrès dans le règlement des différends commerciaux.
  • Les prévisions risquent d’être révisées à la baisse. Parmi les risques figurent de nouvelles tensions commerciales et technologiques qui minent l’état d’esprit et ralentissent l’investissement, une augmentation prolongée de l’aversion pour le risque mettant au jour les facteurs de vulnérabilité financière qui continuent de s’accumuler après des années de taux d’intérêt bas, et la montée de tensions désinflationnistes qui accentuent les problèmes de service de la dette, limitent la marge de manœuvre monétaire pour combattre un ralentissement et prolongent la durée des chocs au-delà de la normale.
  • Il est crucial d’agir au niveau multilatéral et national pour asseoir la croissance mondiale sur des bases plus solides. Il est urgent notamment de réduire les tensions commerciales et technologiques, ainsi que de lever promptement l’incertitude entourant les accords commerciaux (notamment entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, et la zone de libre-échange qui englobe le Canada, les États-Unis et le Mexique). En particulier, les pays ne devraient pas utiliser les droits de douane pour cibler des balances commerciales bilatérales ou, au lieu de dialoguer, pour faire pression sur d’autres pays afin qu’ils opèrent des réformes. La demande finale étant timide et l’inflation modérée, il est approprié de mener une politique monétaire accommodante dans les pays avancés, ainsi que dans les pays émergents et les pays en développement où les anticipations sont ancrées. La politique budgétaire devrait concilier des objectifs multiples, à savoir lisser la demande si nécessaire, protéger les groupes vulnérables, rehausser le potentiel de croissance grâce à des dépenses qui favorisent les réformes structurelles et assurer la viabilité des finances publiques à moyen terme. Si la croissance est inférieure à celle prévue dans le scénario de référence, les politiques macroéconomiques devront devenir plus accommodantes, en fonction des circonstances propres à chaque pays. Pour l’ensemble des pays, il est prioritaire d’accroître l’inclusion, de renforcer la résilience et de s’attaquer aux obstacles à la croissance de la production potentielle.


Une expansion timide

Une demande finale défaillante

Dans un contexte difficile caractérisé par l’accentuation des tensions commerciales et technologiques entre les États-Unis et la Chine, ainsi que par l’incertitude prolongée en ce qui concerne le Brexit, l’expansion de l’activité mondiale est restée faible au premier semestre 2019. La croissance a été supérieure aux prévisions dans certains pays avancés, mais inférieure aux attentes dans les pays émergents et les pays en développement.

La croissance a été plus élevée que prévu aux États-Unis et au Japon, et les facteurs exceptionnels qui ont nui à la croissance dans la zone euro en 2018 (notamment les modifications des normes d’émission pour les nouvelles automobiles) ont semblé s’estomper comme on l’avait anticipé.

Parmi les pays émergents et les pays en développement, le PIB en Chine a été plus élevé que prévu au premier trimestre, mais les indicateurs pour le deuxième trimestre semblent indiquer un fléchissement de l’activité. Ailleurs dans les pays émergents d’Asie, ainsi qu’en Amérique latine, l’activité a été inférieure aux attentes.

Si le PIB global de certains pays a été supérieur aux prévisions, les données font état de manière plus générale d’une demande finale mondiale modérée, notamment pour l’investissement fixe. L’accumulation des stocks de biens invendus a porté le PIB aux États-Unis et au Royaume-Uni au premier trimestre, tandis que le faible niveau des importations a rehaussé la production en Chine et au Japon.

Pour ce qui est des secteurs, l’activité dans le secteur des services a tenu bon, mais le ralentissement de l’activité manufacturière mondiale, qui a commencé au début de 2018, a persisté, du fait de la faiblesse des dépenses des entreprises (machines et matériel) et des achats de biens durables (voitures par exemple) par les consommateurs. Cela semble indiquer que les entreprises et les ménages continuent de freiner leurs dépenses à long terme sur fond d’incertitude élevée.

Un commerce mondial faible

Les tendances des dépenses apparaissent aussi dans le commerce mondial, qui est généralement à forte intensité de biens d’investissement et de biens de consommation durables. La croissance du volume des échanges commerciaux est tombée aux environs de ½ % sur un an au premier trimestre de 2019 après s’être inscrite au-dessous de 2 % au quatrième trimestre 2018. Ce ralentissement est particulièrement marqué dans les pays émergents d’Asie.

Les perspectives peu encourageantes du commerce, qui s’expliquent dans une certaine mesure par les tensions commerciales, pèsent à leur tour sur l’investissement. L’état d’esprit des chefs d’entreprise et les enquêtes menées auprès des directeurs d’achat par exemple font état de perspectives moroses pour l’industrie manufacturière et le commerce, avec des vues particulièrement pessimistes sur les nouvelles commandes. Le point positif reste la tenue du secteur des services, où l’état d’esprit est relativement résilient, contribuant à la croissance de l’emploi (ce qui, à son tour, consolide la confiance des consommateurs).

Une inflation modérée

En phase avec la faible croissance de la demande finale, l’inflation hors alimentation et énergie dans l’ensemble des pays avancés a fléchi pour s’établir en deçà des objectifs fixés (par exemple aux États‑Unis) ou est restée largement au-dessous (zone euro, Japon). L’inflation hors alimentation et énergie est aussi tombée davantage au-dessous des moyennes historiques dans bon nombre de pays émergents et de pays en développement, à l’exception de quelques pays comme l’Argentine, la Turquie et le Venezuela.

Comme l’activité mondiale est généralement restée faible, les facteurs influant sur l’offre ont continué de dominer l’évolution des prix des produits de base, notamment dans le cas du pétrole (avec les troubles civils au Venezuela et en Libye, ainsi que les sanctions américaines contre l’Iran). En dépit de la forte hausse des prix du pétrole jusqu’à fin avril (et de la hausse des droits à l’importation dans certains pays), la pression des coûts a été modérée, du fait de la croissance encore timide des salaires dans de nombreux pays alors même que les marchés du travail ont continué de se tendre. L’inflation globale est donc restée modérée dans la plupart des pays avancés et des pays émergents. Cela a contribué en partie à une forte baisse de l’inflation attendue par les marchés aux États-Unis et dans la zone euro.

Signaux divers et variation de l’appétit pour le risque

Les actions et les faux pas des pouvoirs publics ont joué un rôle important dans ces résultats, notamment par leur impact sur l’état d’esprit des marchés et la confiance des chefs d’entreprise. Si la prolongation de six mois du Brexit qui a été annoncée début avril a offert un certain répit dans un premier temps, l’escalade des tensions commerciales en mai, les craintes de perturbations des chaînes d’approvisionnement en technologies et les tensions géopolitiques (par exemple, les sanctions américaines contre l’Iran) ont sapé la confiance des marchés (encadré 1).

L’appétit pour le risque semble être remonté quelque peu en juin, après que des banques centrales ont signalé la poursuite probable d’une politique monétaire accommodante. Après le sommet du G-20 en juin, où les États-Unis et la Chine sont convenus de reprendre les négociations commerciales et d’éviter de nouveaux relèvements des droits de douane, la perspective que les deux parties continuent de chercher à régler leurs différends a profité à l’état d’esprit des marchés. Les conditions financières aux États-Unis et dans la zone euro sont maintenant plus détendues qu’à l’époque des PEM d’avril, alors qu’elles restent plus ou moins inchangées pour les autres régions.

Croissance mondiale encore languissante

Il est prévu que la croissance mondiale s’établira à 3,2 % en 2019, puis accélérera à 3,5 % en 2020 (soit 0,1 point de pourcentage de moins que la prévision des PEM d’avril 2019 pour les deux années). Sur le front commercial, la prévision tient compte du relèvement de 10 à 25 % de droits de douane américains sur 200 milliards d’exportations chinoises en mai 2019, et des mesures de représailles adoptées par la Chine. Les révisions à la baisse des prévisions de croissance pour la Chine et les pays émergents d’Asie correspondent plus ou moins à l’impact simulé d’une intensification des tensions commerciales et des effets connexes sur la confiance qui sont examinés dans l’encadré scénario 1 des PEM d’octobre 2018.

L’accélération de la croissance mondiale qui est attendue en 2020 repose dans une large mesure sur plusieurs facteurs : 1) l’état d’esprit sur les marchés financiers reste positif ; 2) les freins temporaires continuent de disparaître, notamment dans la zone euro ; 3) certains pays émergents en difficulté, comme l’Argentine et la Turquie, se stabilisent ; 4) un effondrement encore plus violent est évité dans d’autres pays, comme l’Iran et le Venezuela. La stabilisation ou le redressement qui est attendu dans les pays en difficulté représente environ 70 % de la hausse de la prévision de croissance mondiale pour 2020 par rapport à 2019. À leur tour, ces facteurs reposent sur un contexte mondial propice qui fait en sorte que le ton plus conciliant des banques centrales et les mesures de stimulation en Chine ne sont pas atténués par une escalade des tensions commerciales ou un Brexit désordonné.

Dans les pays avancés, la croissance devrait atteindre 1,9 % en 2019 et 1,7 % en 2020. La projection pour 2019 est supérieure de 0,1 point de pourcentage à celle établie en avril, ce qui s’explique principalement par une révision à la hausse pour les États-Unis.

  • Aux États-Unis, la croissance devrait s’établir à 2,6 % en 2019 (0,3 point de pourcentage de plus que dans les PEM d’avril), avant de ralentir à 1,9 % en 2020 tandis que la relance budgétaire prendra fin. La révision de la prévision pour 2019 tient à un premier trimestre meilleur que prévu. Si le chiffre global est solide du fait de la robustesse des exportations et de l’accumulation des stocks, la demande intérieure a été un peu plus faible que prévu, de même que les importations, en partie à cause de l’effet des droits de douane. Ces développements laissent entrevoir un ralentissement de l’expansion sur le reste de l’année.
  • Dans la zone euro, la croissance devrait atteindre 1,3 % en 2019 et 1,6 % en 2020 (0,1 point de pourcentage de plus qu’en avril). La prévision pour 2019 est révisée à la baisse légèrement pour l’Allemagne (en raison d’une demande extérieure plus faible que prévu, qui pèse aussi sur l’investissement), mais elle est inchangée pour la France (où les mesures budgétaires devraient soutenir la croissance et où les effets négatifs des manifestations s’estompent) et en Italie (où les perspectives budgétaires incertaines sont similaires à celles d’avril, et pèsent sur l’investissement et la demande intérieure). En Espagne, la croissance a été révisée à la hausse pour 2019, du fait de la vigueur de l’investissement et de la faiblesse des importations au début de l’année. La croissance dans la zone euro devrait s’accélérer sur le reste de l’année et en 2020, car la demande extérieure devrait se redresser et des facteurs temporaires (notamment la baisse des immatriculations d’automobiles en Allemagne et les manifestations en France) continuent de s’estomper.
  • Au Royaume-Uni, la croissance devrait s’établir à 1,3 % en 2019 et à 1,4 % en 2020 (0,1 point de pourcentage de plus que prévu dans les PEM d’avril pour 2019). Cette révision à la hausse s’explique par des résultats meilleurs que prévu au premier trimestre, grâce à l’accumulation de stocks pré-Brexit. Cela sera probablement compensé en partie sur le reste de l’année. Le PIB mensuel pour avril s’est fortement contracté, en partie parce que de grands constructeurs automobiles ont avancé leurs fermetures annuelles régulières dans le cadre des plans d’urgence pour le Brexit. La prévision suppose un Brexit ordonné, suivi d’une transition progressive vers le nouveau régime. Cependant, à la mi-juillet, l’issue du Brexit restait très incertaine.
  • Au Japon, la croissance devrait atteindre 0,9 % en 2019 (0,1 point de pourcentage de moins que prévu dans les PEM d’avril). Le solide premier trimestre s’explique par une accumulation de stocks et une forte contribution des exportations nettes due à la baisse prononcée des importations, ce qui masque une dynamique hésitante. La croissance devrait tomber à 0,4 % en 2020 : les mesures budgétaires devraient quelque peu atténuer la volatilité de la croissance liée au relèvement du taux de la taxe à la consommation prévu en octobre 2019.

Dans le groupe des pays émergents et pays en développement, la croissance devrait être de 4,1 % en 2019, puis monter à 4,7 % en 2020. Les prévisions pour 2019 et 2020 sont inférieures de 0,3 et 0,1 point de pourcentage, respectivement, à celles d’avril, en raison de révisions à la baisse dans toutes les régions principales.

  • Les pays asiatiques émergents ou en développement devraient connaître une croissance de 6,2 % en 2019–20. Cette prévision est inférieure de 0,1 point de pourcentage à celle des PEM d’avril pour les deux années, principalement du fait de l’impact des droits de douane sur le commerce et l’investissement. En Chine, les effets négatifs de l’escalade des droits de douane et de l’affaiblissement de la demande extérieure ont accentué la pression sur une économie déjà plongée dans un ralentissement structurel et souffrant du durcissement de la réglementation qui est nécessaire afin de freiner la forte dépendance à l’égard de la dette. Des mesures de relance devraient soutenir l’activité face aux chocs extérieurs, et la croissance devrait atteindre 6,2 % en 2019 et 6,0 % en 2020, soit 0,1 point de pourcentage de moins que la projection des PEM d’avril pour chaque année. En Inde, la croissance devrait s’établir à 7,0 % en 2019, puis passer à 7,2 % en 2020. La révision à la baisse de 0,3 point de pourcentage pour les deux années s’explique par une dégradation des perspectives de la demande intérieure.
  • Les perspectives en demi-teinte des pays européens émergents ou en développement pour 2019 s’expliquent dans une large mesure par les perspectives de la Turquie, où, après une croissance supérieure aux prévisions au premier trimestre grâce à une aide budgétaire plus élevée que prévu, l’activité devrait de nouveau se contracter en raison des ajustements nécessaires de la politique économique. Plusieurs autres pays d’Europe centrale et orientale enregistrent une croissance vigoureuse grâce à la résilience de leur demande intérieure et à l’augmentation des salaires. La région devrait connaître une croissance de 1 % en 2019 (0,2 point de pourcentage de plus que prévu dans les PEM d’avril, portée par une croissance robuste au premier trimestre). La croissance devrait monter à 2,3 % en 2020 (0,5 point de pourcentage de moins que dans les PEM d’avril, du fait dans une large mesure du ralentissement attendu pour le reste de 2019 en Turquie).
  • En Amérique latine, l’activité a ralenti notablement au début de l’année dans plusieurs pays, principalement en raison de facteurs idiosyncratiques. Il est maintenant prévu que la région affiche une croissance de 0,6 % cette année (0,8 point de pourcentage de moins que dans les PEM d’avril), pour remonter à 2,3 % en 2020. Cette révision considérable à la baisse pour 2019 s’explique par le Brésil (où l’état d’esprit s’est dégradé considérablement car l’incertitude persiste en ce qui concerne l’approbation des réformes des retraites et d’autres réformes structurelles) et au Mexique (où l’investissement demeure faible et où la consommation privée a ralenti, en raison de l’incertitude entourant l’action des pouvoirs publics, du fléchissement de la confiance et de la hausse des coûts de l’emprunt, qui pourraient encore augmenter après le déclassement récent de la note souveraine). En Argentine, l’économie s’est contractée au premier trimestre de l’année, quoique plus lentement qu’en 2018. La prévision de croissance pour 2019 a été révisée légèrement à la baisse par rapport aux PEM d’avril, et une reprise plus modeste est maintenant attendue en 2020. Pour le Chili, la projection de croissance est révisée légèrement à la baisse, après un début d’année inférieur aux attentes, mais l’expansion devrait s’accélérer en 2020 grâces à des politiques plus accommodantes. Au Venezuela, la profonde crise humanitaire et l’implosion économique continuent d’avoir un impact catastrophique, et l’économie devrait se contracter d’environ 35 % en 2019.
  • Dans la région du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de l’Afghanistan et du Pakistan, la croissance devrait être de 1,0 % en 2019, avant de monter aux environs de 3,0 % en 2020. La prévision pour 2019 est inférieure de 0,5 point de pourcentage à celle des PEM d’avril, principalement du fait de la révision à la baisse de la prévision pour l’Iran (en raison de l’effet dévastateur du durcissement des sanctions américaines). Les troubles civils dans d’autres pays, parmi lesquels la Syrie et le Yémen, viennent s’ajouter aux perspectives difficiles de la région. Ces développements devraient être compensés en partie par une amélioration des perspectives en Arabie saoudite, où le secteur non pétrolier devrait se renforcer en 2019 grâce à une augmentation des dépenses publiques et à un regain de confiance, et en 2020, grâce à une accélération de la croissance du secteur pétrolier.
  • En Afrique subsaharienne, la croissance devrait s’établir à 3,4 % en 2019 et à 3,6 % en 2020, soit 0,1 point de pourcentage de moins que prévu dans les PEM d’avril pour les deux années : la croissance vigoureuse dans les pays pauvres en ressources naturelles compensera partiellement les résultats médiocres des plus grandes économies de la région. Des prix du pétrole plus élevés, quoique volatils, ont étayé les perspectives de l’Angola, du Nigéria et d’autres pays exportateurs de pétrole de la région. Mais, en 2019, la croissance en Afrique du Sud devrait être plus modérée que prévu dans les PEM d’avril après un premier trimestre très faible, en raison d’un impact plus marqué que prévu des grèves et des problèmes d’approvisionnement en énergie dans l’industrie minière, ainsi que d’une production agricole médiocre.
  • Dans les pays de la Communauté des États indépendants, la croissance devrait être de 1,9 % en 2019, puis passer à 2,4 % en 2020. La révision à la baisse de 0,3 point de pourcentage pour 2019 tient à une détérioration des perspectives de la Russie après un premier trimestre médiocre.

Risques de dégradation

Les risques de dégradation se sont intensifiés depuis les PEM d’avril 2019. Il s’agit de l’escalade des tensions commerciales et technologiques, de la possibilité d’un épisode prolongé d’aversion au risque mettant au jour les facteurs de vulnérabilité financière qui se sont accumulés pendant des années de taux d’intérêt bas, des tensions géopolitiques et de la montée de tensions désinflationnistes qui rendent les chocs plus persistants.

Perturbations du commerce et des chaînes d’approvisionnement en technologies : La confiance des chefs d’entreprise et l’état d’esprit des marchés financiers ont été fréquemment secoués depuis le début de 2018 par une succession persistante de relèvements de droits de douane par les États-Unis et de mesures de représailles de la part de leurs partenaires commerciaux, ainsi que par l’incertitude prolongée entourant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. En mai, les tensions se sont diversifiées, avec la perspective de mesures américaines contre des sociétés technologiques chinoises et la menace américaine d’imposer des droits de douane au Mexique en l’absence de mesures visant à réduire les migrations. Si les tensions se sont atténuées en juin, la conclusion d’accords durables sur ces questions reste sujette à des négociations qui pourraient s’avérer prolongées et difficiles. Le principal facteur de risque pour l’économie mondiale est que des développements négatifs — nouveaux droits de douane entre les États-Unis et la Chine, droits de douane américains sur les automobiles ou Brexit sans accord — sapent la confiance, pèsent sur l’investissement, perturbent les chaînes d’approvisionnement mondiales et fassent tomber la croissance mondiale bien en-deçà du niveau prévu dans le scénario de référence.

Variations brutales de l’appétit pour le risque : Comme noté plus haut, l’aggravation des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine en mai a provoqué une détérioration rapide de l’appétit pour le risque à l’échelle mondiale. Si l’état d’esprit s’est amélioré en juin, de nombreux facteurs pourraient déclencher d’autres épisodes de ce type : il s’agit notamment d’une nouvelle montée des tensions commerciales, de l’incertitude prolongée quant aux politiques budgétaires et d’une détérioration de la dynamique de la dette dans des pays très endettés, d’une intensification des problèmes dans de grands pays émergents qui sont aujourd’hui en plein milieu d’un ajustement macroéconomique difficile (par exemple l’Argentine et la Turquie), ou d’un ralentissement plus prononcé que prévu en Chine, qui fait face à de multiples pressions sur sa croissance en raison des tensions commerciales et du durcissement nécessaire de sa réglementation. En fonction de sa gravité, un épisode d’aversion pour le risque pourrait mettre au jour des facteurs de vulnérabilité financière qui se sont accumulés pendant des années de taux d’intérêt bas : des emprunteurs très endettés pourraient avoir du mal à refinancer leurs dettes et les capitaux pourraient fuir les pays émergents et les pays préémergents.

Tensions désinflationnistes : Les craintes concernant des spirales désinflationnistes se sont atténuées pendant la reprise cyclique de la mi‑2016 à la mi-2018. Le ralentissement de la croissance mondiale et le recul de l’inflation hors alimentation et énergie dans les pays avancés et les pays émergents ont ravivé ce risque. Une inflation plus faible et des anticipations inflationnistes ancrées à un plus bas niveau accroissent les problèmes de service de la dette pour les emprunteurs, pèsent sur l’investissement des entreprises et limitent la marge de manœuvre monétaire dont disposent les banques centrales pour contrer une récession, ce qui signifie que la croissance pourrait être durablement plus faible pour tout choc donné.

Changement climatique, risques politiques, conflit : Le changement climatique demeure une menace majeure pour la santé et les moyens de subsistance dans de nombreux pays, ainsi que pour l’activité économique mondiale. Les stratégies nationales d’atténuation ne recueillent pas un large soutien de la société dans certains pays. Par ailleurs, la coopération internationale est diluée par la non‑participation de pays importants. D’autres risques examinés précédemment dans les PEM d’avril sont devenus plus visibles au cours des derniers mois, notamment la montée des tensions géopolitiques dans le Golfe persique. Par ailleurs, les conflits civils dans de nombreux pays accroissent les risques de coûts humanitaires horribles, de tensions liées aux migrations dans les pays voisins et, si l’on y ajoute les tensions géopolitiques, d’une augmentation de la volatilité sur les marchés des produits de base.

Priorités

Étant donné que l’accélération prévue de la croissance mondiale reste précaire et exposée à des risques, il est fondamental de bien calibrer les politiques macroéconomiques pour stabiliser l’activité et renforcer les fondements de la reprise. En conséquence, l’état d’esprit, la croissance et la création d’emplois souffriraient fortement d’éventuels faux pas et de l’incertitude qui en découlerait.  

Au niveau multilatéral, il est urgent, premièrement, de réduire les tensions commerciales et technologiques, et, deuxièmement, d’éliminer rapidement l’incertitude entourant les modifications d’accords commerciaux qui existent de longue date (notamment ceux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, ainsi qu’entre le Canada, les États-Unis et le Mexique). En particulier, les pays ne devraient pas utiliser les droits de douane pour cibler des balances commerciales bilatérales. De manière plus fondamentale, les différends commerciaux pourraient être les symptômes d’une frustration plus profonde face aux lacunes du système commercial multilatéral fondé sur des règles. Les dirigeants devraient s’attaquer ensemble à ces lacunes et renforcer ce système, notamment en veillant à ce que les règles existantes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) continuent d’être appliquées grâce au bon fonctionnement du système de règlement des différends de l’OMC, en résolvant l’impasse concernant l’organe d’appel de l’OMC, en modernisant les règles de l’OMC pour englober des domaines tels que les services numériques, les subventions et le transfert de technologies, et en faisant avancer les négociations dans de nouveaux domaines tels que le commerce numérique. Il convient aussi de renforcer la coopération internationale pour atténuer le changement climatique et s’y adapter, combattre la fraude fiscale internationale et la corruption, et éviter un détricotage des réformes de la réglementation financière. Les dirigeants devraient veiller à ce que les institutions multilatérales continuent de disposer de ressources suffisantes pour contrecarrer les ajustements perturbateurs des portefeuilles dans une économie mondiale qui est déjà très endettée.

Au niveau national, il est prioritaire pour l’ensemble des pays de renforcer l’inclusion, d’accroître la résilience face aux turbulences des marchés financiers internationaux et de s’attaquer aux obstacles à la croissance de la production potentielle (il s’agit, pour certains pays, de réformer les marchés de produits et du travail pour accroître la productivité, et, pour d’autres, de relever le taux d’activité).

  • Pour les pays avancés, où la croissance de la demande finale est généralement hésitante, où les tensions inflationnistes sont modérées et où les mesures des anticipations inflationnistes sur la base des prix du marché ont chuté ces derniers mois, il reste approprié de mener une politique monétaire accommodante. Cependant, une politique monétaire accommodante peut alimenter la vulnérabilité financière : à cet égard, il sera essentiel de renforcer la politique macroprudentielle et d’adopter une approche plus préventive en matière de contrôle pour réduire les excès des marchés financiers. Dans certains pays, il convient de continuer de réparer les bilans des banques pour atténuer le risque de boucles de rétroactions entre les États et les banques. La politique budgétaire doit concilier des objectifs multiples, à savoir lisser la demande si nécessaire, protéger les groupes vulnérables, relever le potentiel de croissance au moyen de dépenses qui accompagnent les réformes structurelles et assurer la viabilité des finances publiques à moyen terme. Si la croissance s’affaiblit plus que prévu dans le scénario de référence, les politiques macroéconomiques devront devenir plus accommodantes, en fonction des circonstances propres à chaque pays.
  • Dans l’ensemble des pays émergents et pays en développement, le fléchissement récent de l’inflation donne aux banques centrales la possibilité de mener une politique accommodante, surtout là où la production est inférieure à son potentiel et où les anticipations inflationnistes sont ancrées. La dette a augmenté rapidement dans bon nombre de pays. La politique budgétaire doit donc avoir pour objectif principal de maîtriser la dette, tout en donnant la priorité aux dépenses dans les infrastructures et aux dépenses sociales qui sont nécessaires par rapport aux dépenses récurrentes et à des subventions mal ciblées. C’est particulièrement important dans les pays en développement à faible revenu, afin de les aider à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies. Les politiques macroprudentielles devraient faire en sorte que les volants de fonds propres et de liquidités soient suffisants pour se prémunir contre des variations perturbatrices des portefeuilles à l’échelle. Il reste crucial de s’efforcer de réduire au minimum les asymétries de monnaies et d’échéances sur les bilans à un moment où les marchés financiers peuvent rapidement se détourner du risque : ces efforts garantiront aussi que ces facteurs de vulnérabilité ne compromettent pas le rôle tampon essentiel des taux de change flexibles.


Encadré 1. Tensions commerciales, politique monétaire et conditions financières mondiales

Les marchés financiers mondiaux ont été confrontés à deux problèmes importants au cours des trois derniers mois1. Premièrement, les investisseurs sont de plus en plus inquiets de l’impact de la montée des tensions commerciales et de la dégradation des perspectives économiques. Deuxièmement, les opérateurs de marché doivent composer avec les implications de ces tensions pour les perspectives de la politique monétaire.

L’escalade des tensions commerciales au début du mois de mai a mis fin au rebond des marchés financiers observé depuis le début de l’année. Les marchés d’actions ont été vendeurs, et les écarts de taux des obligations d’entreprises se sont creusés. Les écarts de taux des obligations souveraines des pays émergents ont augmenté aussi, et les flux d’investissements de portefeuille vers ces pays ont reculé.

Depuis la mi-juin, un certain nombre de banques centrales ont donné une tournure plus conciliante à leur politique monétaire, donnant comme raisons l’inflation modérée et la hausse des risques de révision à la baisse de la croissance. La Réserve fédérale américaine a revu à la baisse la trajectoire attendue de son taux directeur, tandis que la Banque centrale européenne a prolongé son cadrage prospectif afin de maintenir ses taux d’intérêt aux niveaux actuels jusqu’à la mi-2020 au moins. D’autres banques centrales ont adopté un ton plus conciliant ou ont fait part de vues plus prudentes en ce qui concerne les perspectives (notamment en Australie, au Brésil, au Chili, en Chine, en Inde, en Malaisie et aux Philippines).

Cela a conduit à une nouvelle réévaluation par les marchés de la trajectoire attendue de la politique monétaire. Les investisseurs s’attendent maintenant à un assouplissement plus marqué de la part des banques centrales, notamment aux États‑Unis. Ce contexte favorable a aidé les marchés à se rééquilibrer. Les cours boursiers à l’échelle mondiale ont recouvré une bonne partie du terrain perdu en mai, et les taux d’intérêt de marché ont continué à baisser dans un large éventail de pays.

À la mi-juillet, les rendements des obligations  d’État à 10 ans avaient baissé d’environ 45 points de base depuis mars aux États-Unis, pour s’établir à 2,10 %, d’environ 30 points de base en Allemagne, à -0,25 %, et d’environ 10 points de base au Japon, à -0,12 %.

En conséquence, les conditions financières mondiales se sont encore détendues depuis les PEM d’avril 2019 (graphique 1).

Cet assouplissement a été particulièrement prononcé aux États-Unis et dans la zone euro, tandis que les conditions financières nettes n’ont guère varié au total en Chine et dans les autres grands pays émergents.

1 Le présent encadré a été rédigé par le département des marchés monétaires et de capitaux du FMI.